Les prix littéraires 2014

Sabine Wespieser Éditeur

20,00

Après trois jours de tempête, un pêcheur découvre, échouée sur la grève, une jeune fille qui semble avoir réchappé à une grande violence. Mais y a-t-elle vraiment réchappé ? La main de l’homme tremble tellement au spectacle de ce corps meurtri que son téléphone lui tombe des mains. La voix de la naufragée s’élève alors, qui en appelle à tous les dieux du vaudou et à ses ancêtres, pour tenter de comprendre comment et pourquoi elle s’est retrouvée là. Cette voix expirante viendra scander l’ample roman familial que déploie ici Yanick Lahens, convoquant les trois générations qui ont précédé la jeune femme pour tenter d’élucider le double mystère de son agression et de son identité.
Les Lafleur ont toujours vécu à Anse Bleue, un village d’Haïti où la terre et les eaux se confondent dans une violente beauté. Entre eux et les Mésidor, l’histoire est ancienne, et le ressentiment aussi. Il date du temps où cette famille de nantis a fait main basse sur toutes les bonnes terres de la région. Les Lafleur vivent désormais du maigre produit de leur petite exploitation.
Quand, au marché, Tertulien Mésidor, l’homme au regard de seigneur et de voyou, s’arrête comme foudroyé devant l’étal d’Olmène Dorival (dont le grand-père était un Lafleur), seize ans à peine, l’attirance est réciproque. La passion de ces deux-là va s’écrire sous le regard des hommes et des dieux, à rebours des idées reçues sur une île à genoux où les femmes seraient les jouets des puissants. Leur enfant sera le début d’une lignée, et bientôt Olmène quittera la case familiale pour aller vivre dans la maison que lui fait construire Tertulien. Le sort en a été scellé lors de la cérémonie vaudou célébrée par le père d’Olmène – scène d’anthologie, tant la romancière donne chair aux lois éternelles régissant la vie des paysans.
Mais, dans cette île également balayée par les ouragans politiques, le monde nouveau vient chevaucher le monde ancien. En ce début des années soixante, des camions passent de village en village pour conduire des hommes au grand rassemblement qui doit se tenir à Port-au-Prince en l’honneur de « l’Homme au chapeau noir et aux lunettes épaisses ». Un des frères d’Olmène se laisse pousser à l’arrière d’un camion, alors que l’autre, comprenant quel profit il y a à se ranger du côté du nouveau pouvoir, se mue en terreur locale. Tertulien quant à lui se mord les doigts de n’avoir fait plus tôt allégeance au nouveau chef suprême.
Alors qu’un voile noir s’est abattu pour longtemps sur Anse bleue, la lignée des Lafleur et des Mésidor vit, comme le pays entier, au rythme des changements d’alliance, et des petits arrangements. Quand arrive, dans son rutilant 4 x 4, un petit-fils de Tertulien Mésidor dont le prénom, Jimmy, ne cesse de revenir dans les propos de plus en plus hachés de la rescapée, on comprend que la malédiction ne s’est pas éteinte.
Prenant à témoin le chœur immémorial de ces villageois dont elle écrit la saga, Yanick Lahens, portée par une langue d’un sourd lyrisme et une belle maîtrise narrative, donne voix aux oubliés de son pays, la masse silencieuse de ces paysans avec lesquels s’écrit pourtant l’histoire. Son roman est éblouissant.


22,90

Hemda Horowich vit sans doute ses derniers jours, mais l'image de ce lac, près du kibboutz où elle est née, s'impose encore avec force à sa conscience. Les souvenirs plus douloureux de sa longue vie se glissent eux aussi dans sa mémoire, sans qu'elle puisse s'en libérer : son père trop exigeant, un mariage sans amour, puis cette difficulté à aimer équitablement ses deux enfants, Avner et Dina. Ces deux derniers lui rendent visite à l'hôpital de Jérusalem. Avner, le fils adoré, y rencontre une femme venue dire au revoir à son mari mourant et entame une étrange relation avec elle. Quant à Dina, la fille mal aimée, elle ne sait comment réagir face à l'éloignement de sa propre fille pour qui elle a sacrifié sa carrière. Débordée par le besoin de donner cet amour à quelqu'un, elle se met en tête d'adopter, envers et contre tous. Son désir de renforcer son foyer pour y accueillir un autre enfant risque bien de faire éclater sa famille... Zeruya Shalev sait parler comme personne des relations mystérieuses qui se tissent entre parents et enfants. Dans une langue puissante, elle évoque la colère, le ressentiment, la frustration et la peur qui construisent les familles autant que l'amour et le bonheur d'être ensemble. Ce qui reste de nos vies est certainement son roman le plus envoûtant.

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Prix Femina étranger 2014


22,00

Le 27 octobre 1949, le nouvel avion d'Air France, le Constellation, lancé par l'extravagant M. Howard Hughes, accueille trente-sept passagers. Le 28 octobre, l'avion ne répond plus à la tour de contrôle. Il a disparu en descendant sur l'île Santa Maria, dans l'archipel des Açores. Aucun survivant. La question que pose Adrien Bosc dans cet ambitieux premier roman n'est pas tant comment, mais pourquoi ? Quel est l'enchaînement d'infimes causalités qui, mises bout à bout, ont précipité l'avion vers le mont Redondo ? Quel est le hasard objectif, notion chère aux surréalistes, qui rend « nécessaire » ce tombeau d'acier ? Et qui sont les passagers ? Si l'on connaît Marcel Cerdan, l'amant boxeur d'Édith Piaf, si l'on se souvient de cette musicienne prodige que fut Ginette Neveu, dont une partie du violon sera retrouvée des années après, l'auteur lie les destins entre eux. « Entendre les morts, écrire leur légende minuscule et offrir à quarante huit hommes et femmes, comme autant de constellations, vie et récit. »

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Prix littéraire de la Vocation de la Fondation Marcel Bleustein-Blanchet.
Grand prix de l'Académie française 2014.


22,00

Taïga sombre et immense, steppes infinies… La scène se passe d’abord après l’irradiation complète de la Sibérie et l’écroulement de la Deuxième Union soviétique, puis des siècles plus tard. La région, dévastée par des accidents nucléaires, est à jamais inhabitable. Entourés de paysages grandioses, des soldats fantômes, des morts vivants et d’inquiétantes princesses s’obstinent à poursuivre le rêve soviétique. Désormais le centre du monde a un nom, Terminus radieux, un kolkhoze dont la pile atomique s’est enfoncée sous terre. Solovieï, le président du village, met ses pouvoirs surnaturels au service de son rêve de toute-puissance : vie et mort, amour éternel, renaissance. Assisté par l’immortelle Mémé Oudgoul, il règne en maître sur le destin des hommes et des femmes qui ont atterri là. Non loin du kolkhoze passe une voie ferrée où circule un unique convoi, toujours le même. Prisonniers et militaires cherchent en vain le camp où leur errance prendra fin. Mais, là encore, Solovieï ordonne l’histoire. Il leur faudra attendre des milliers d’années pour que s’éteigne sa présence dans leur cauchemar.


Prix Médicis Étranger

La Grande Ourse

Le nouveau roman de Lily Brett, très autobiographique, raconte l’histoire captivante et drôle d’une jeune journaliste de rock un peu naïve qui, lorsqu’elle n’interviewe pas Mick Jagger ou Jimi Hendrix, pense au prochain régime alimentaire qu’elle va suivre.

C’est un émouvant hommage à tous ces génies du rock des années 60 et 70 qui ont marqué la mémoire collective de sonorités indélébiles.

Mais c’est surtout un destin : celui d’une femme, fille de rescapés de la Shoah, qui se bat contre ses fantômes avec humour, tendresse et générosité.

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Prix Médicis 2014 du roman étranger