La femme qui dit non

Gilles Martin-Chauffier

Grasset

  • Conseillé par
    2 novembre 2014

    C'est grâce aux premières sélections du Goncourt et du Renaudot que j'ai remarqué ce roman et je ne regrette pas de l'avoir lu. Si le personnage de Marge peut agacer (il n'eut jamais cet effet sur moi) parce que nous avons affaire à une riche qui pendant la guerre semble considérer les actes de résistance comme une jolie façon de passer le temps sans s'ennuyer et qui est obsédée par le casino dans des moments où les gens souffrent, j'ai vite senti qu'il fallait la prendre au second degré et qu'elle était bien plus profonde que la Marge qu'elle nous décrivait. C'est une narratrice pleine d'humour qui manie aussi l'auto-dérision et qui se décrit parfois en looseuse (ça vous rappelle une blogueuse ?).

    Figurez-vous que le style de la narratrice m'a rappelé cette blogueuse, notamment à la fin, et a même fait résonance avec le billet que cette blogueuse publiait au cours de ma lecture). Enfin, c'est tout de même une looseuse qui gagne un peu trop souvent au casino. J'ai tendance à penser que Marge n'est pas vraiment celle qu'elle nous décrit, légère et frivole. Il vous faudra laisser de côté votre moralité, Marge n'était pas la Pénéloppe attendant son héros de mari parti rejoindre De Gaulle. L'autre grande réussite de ce roman, c'est le grand amour de Marge, l'Ile-aux-Moines. Les descriptions sont telles qu'on a une seule envie, faire nos bagages. Ce roman est un roman d'amour, celui qui existe entre Marge et la Bretagne mais aussi entre l'auteur et cette île bretonne et enfin, entre l'auteur et son personnage, qui est fortement inspiré de sa grand-mère, une grand-mère qu'on imagine plus facile à apprécier à sa juste valeur en tant que grand-mère qu'en tant que mère d'ailleurs. C'est aussi une radioscopie de cette époque et Gilles Martin-Chauffier égratigne De Gaulle et Mitterand devient un "séducteur pour guinguette des bords de Marne". Dans un autre domaine, Marge critique Les Misérables mais non sans tendresse. On retrouve les différents rôles joués par les hommes dans cette époque sombre et rien n'est noir ou blanc, à l'image de Mathias et Blaise qui ne forment un homme idéal que réunis, leur comparaison avec un fauve pour l'un et une murène pour l'autre dans les moments intimes m'a fait sourire et c'est ce genre de comparaisons qui nous entraîne loin du fleur bleu. Les femmes, elles, ont le beau rôle, et Marge et sa belle-mère forment un couple truculent:

    Entre Hitler et ma belle-mère, nous n'avions pas le choix. Quant à savoir lequel des deux était mon pire ennemi, à l'époque, j'avais un doute.

    N'étant pas très férue d'histoire bretonne, j'ai un peu appris sur les mouvements indépendantistes pendant la seconde guerre mondiale et là encore, même si on sent une certaine tendresse pour les hommes qui s'en entichent, Gilles Martin-Chauffier a parfois la dent dure. Comme pour les irlandais et Eamon De Valera, rhabillé pour l'hiver, leurs liens avec les nazis ne sont pas tus. C'est donc un roman que je recommande même si je le trouve un peu inégal au niveau de l'intrigue et même si la scène finale est un peu too much, mais tellement révélatrice de cette narratrice qui ne sait pas faire face à l'essentiel que je l'ai, moi, beaucoup aimée. Ce roman m'a souvent fait sourire.


  • Conseillé par (Libraire)
    1 août 2014

    L'île au moine, Bretagne, 1938. Marge et son père, deux anglais, se voient obligés d'accoster sur cette île du Morbihan. C'est là qu'elle rencontre Blaise de Méaban et Mathias son meilleur ami. Si elle épouse le premier et porte l'enfant du second, les trois jeunes gens sont bientôt pris dans les tourments de la Seconde Guerre Mondiale. À travers les yeux de Marge et sa langue acérée, c'est toute la Bretagne de cette époque qu'elle nous raconte, parfois avec tendresse mais surtout sans complaisance.

    Gilles Martin-Chauffier avoue volontiers qu'il s'est inspiré de sa grand-mère pour écrire le personnage de Marge. On regrette alors que cette vieille dame ne soit plus là pour nous raconter de vive voix ses folles aventures. Jeune femme dynamique, esseulée sur une île étrangère, coincée entre la mer et sa belle-mère, Marge est un personnage hors du commun. D'une morale élastique, quoique toujours patriote et sans doute fidèle selon ses critères, elle traverse la Seconde Guerre mondiale comme on joue au Casino. Extrêmement drôle, acide et mordante, on prend véritablement plaisir à découvrir la face cachée d'une région, avec ses moments de gloire ou de faiblesse.

    Des personnages hauts en couleur, tour à tour touchants ou énervants, "La femme qui dit non" de Gilles Martin-Chauffier entraîne le lecteur dans une grande fresque familiale.