• Conseillé par
    18 août 2014

    Etats-Unis, Japon

    J'ai aimé ce roman à la mélodie si particulière, sans pour autant en faire un coup de coeur.

    Tout est évoqué, par de brèves phrases, des situations complexes aux plus simples, des états d'âmes et des rêves.

    Le partie-pris de la narration peu paraître déroutant, mais celle-ci n'est jamais lassante.

    Un Prix Femina du roman étranger 2012 intéressant.

    L'image que je retiendrai :

    Celle des femmes courbées dans les champs de betteraves et autres brocolis.

    http://motamots.canalblog.com/archives/2014/08/16/30247894.html


  • Conseillé par
    17 janvier 2013

    « Certaines n’avaient jamais vu la mer », roman-documentaire passionnant, nous livre des témoignages à fleur de cœurs, des brassées de souvenirs mêlés entrecroisés de paroles échappées, phrases en italique venant ponctuer les faits évoqués, anecdotes, incidents, accidents, l’accessoire et l’essentiel, tissés de déceptions et marqués par la triste vacuité d’un dur labeur quotidien, pas la même vie pour toutes mais que de similitudes dans l’épreuve, puis le miracle de l’enfant qui naît mais l’enfant aussi s’écarte en grandissant.
    Des mots sont dits, en phrases courtes et dynamiques, comme sourdant de toutes ces femmes et posés sur toutes ces choses vues, toutes ces choses vécues mais jusque-là tues et ignorées, et leurs vies sont sues, émergent de l’oubli.
    Vif et piquant, parfois poignant, ce texte saisissant, panorama chronologique de bribes de mémoires, révèle et fait mouche. Tout le temps.
    Une réussite, tant sur le fond que sur la forme.


  • 15 janvier 2013

    Changer de vie, fuir son pays.

    C'est la destinée de ces femmes qui quittent le Japon pour les Etats-Unis dans les années 1920.

    Leur quête: rejoindre un mari qu'elles ne connaissent pas encore et aspirer au bonheur loin de chez elles.

    Dans leurs valises, elles emportent un joli kimono de soie pour la noce, la terre aride de leur pays et quelques photos du beau prétendant... mais surtout l'espoir.

    On voyage avec elles sur la bateau où l'air est putride, on découvre en même temps qu'elles ces hommes parfois violents, très différents des photos.

    Julie Otsuka en utilisant le pronom personnel de la première personne du pluriel offre aux lecteur un très beau chant choral.

    Néanmoins, l'énumération des anecdotes du quotidien de ces femmes rend la lecture parfois lassante.

    Pourtant ce texte est très beau et le thème fort en sensibilité, mais je n'ai pas eu le coup de coeur espéré.

    J'aurais aimé une focalisation sur l'une de ces femmes pour apprécier davantage la lecture.

    Le fonds m'a séduite mais moins la forme.

    C'est ce procédé d'énonciation originale qui a contrario fait tout le sel du roman mais il est déroutant


  • Conseillé par
    12 décembre 2012

    1919, elles ont embarqué sur un navire comme d’autres de leurs sœurs. Souvent, elles sont jeunes, quelquefois à peine sorties de l’enfance, Elles quittent leur Japon natal pour rejoindre l’Amérique où leur futur époux les attend. Elles ne le connaissent pas. Quelquefois, elles possèdent une photographie ou des lettres où il s’est décrit, lui et la vie dont elles rêvent tant. Elles ne voyagent pas en cabine, elles séjournent dans la soute comme si cette longue traversée n’était en fin de compte qu’un avant goût de la vie que leur réservera les Etats-Unis.

    Elles ont quitté leurs familles avec des espoirs. La désillusion en sera d’autant plus grande. A San Francisco, l’homme de la photographie est beaucoup plus âgé, mal vêtu. Il leur faudra subir les désirs crus, violents, insultants de ces époux. Rentrer au pays est impossible sauf à déshonorer la famille. Ces jeunes filles bien élevées et polies sont confrontées à une réalité qui sera désormais leur quotidien. La plupart travaillent au champ, de longues heures à biner ou à tailler, certaines sont domestiques ou employées dans une boutique et enfin d’autres finissent dans des bordels.
    Femmes silencieuses, elle portent le poids du travail, couchant sur la paillasse de leurs maris et les enfants naitront. Désirés ou non. Les mères voient leurs enfants grandir entre Japon et Amérique. Ils préfèrent la terre où ils sont nés, oublient les prières d'usage.
    Elles subissent la différence, la discrimination raciale mais ne disent mot. Les prémices de la guerre engendrent la peur qui entretient tous les démons Elles sont japonaises et du mauvais coté. Des hommes disparaîtront puis un jour elles verront leurs noms inscrits sur une liste. Docilement, elles se présenteront.

    Des vies racontées par un nous puissant qui donne corps au récit élevant l’histoire de ces femmes avec sensibilité et humilité. Un pluriel qui les rassemble. Sous ce nous, il y a la douleur sous toutes ses formes et des vies. Avant cette lecture, je ne connaissais pas l’histoire de ces femmes qui ont fait partie de l’Histoire. J’ai lu d’une traite ce livre qui leur rend hommage, touchée et portée par l’écriture de Julie Otsuka. Une écriture sans fioriture aux accents poétiques, véritable chant composé de toutes les voix de ces femmes.
    Seul bémol, la répétition du nous m’a donnée par moments l'impression d’une liste égrenée qui m’a tenue un peu à distance de ces femmes que j’aurais aimé approcher plus.


  • Conseillé par
    26 novembre 2012

    Roman de Julie Otsuka.
    Au début du 20e siècle, des Japonaises quittent leur pays pour rejoindre leurs fiancés en Amérique. Elles ne connaissent de ces hommes que des photos et quelques lettres. Toutes espèrent trouver une vie meilleure auprès d’époux qui ont réussi sur le nouveau continent. « Sur le bateau, nous étions dans l’ensemble des jeunes filles accomplies, persuadées que nous ferions de bonnes épouses. » (p. 14) Après une éprouvante traversée, les fiancées découvrent leur promis. Au terme de la première nuit qui scelle les couples et les destins, beaucoup d’espoirs et de promesses se seront envolés. « En secret, nous espérions toutes être sauvées. » (p. 41)


    Toutes ces femmes immigrées découvrent une vie plus misérable que celle qu’elles ont laissée. Elles triment dans les champs ou s’humilient au service des Américains. Il est leur difficile de s’intégrer dans ce pays si différent. « L’une des nôtres les rendait responsables de tout et souhaitait qu’ils meurent. L’une des nôtres les rendait responsables de tout et souhaitait mourir. D’autres apprenaient à vivre sans penser à eux. » (p. 47) Dans les lettres qu’elles envoient à leurs mères et à leurs proches, la plume est honteuse. Que faut-il dire ? Que faut-il taire ? Faut-il mentir et enjoliver des existences qui ne ressemblent pas aux promesses qu’elles ont aveuglément suivies ?
    Ces femmes, souvent négligées par leur époux, goutent une autre douleur quand leurs enfants s’éloignent de la culture de leurs ancêtres et font tout pour être assimilés. Hélas, la guerre viendra balayer tous les efforts. Les Japonais sont les ennemis, qu’ils soient ou non nés sur le sol américain. L’exode reprend pour ne jamais finir, ou tragiquement. Le bateau de tous les espoirs n’était finalement qu’une barque de Charon qui emmenait ces femmes et leurs avenirs dans une traversée vers une rive dont on ne revient pas.
    La particularité de ce roman est sa narration. C’est un « nous » qui porte tout le récit. On ne s’attache à aucun destin particulier, mais on entraperçoit des bribes d’existences. Ce roman choral exprime une douleur commune. Hélas, la troublante mélopée devient peu à peu litanie et généralité. Enfin, le titre est français est terriblement réducteur et ne traduit que les premières pages. Le titre original est bien plus explicite : The Buddha in the Attic évoque une culture qui recule, que l’on relègue dans l’oubli ou dans la honte. Finalement, ce roman est un bel hommage à des milliers de destins sacrifiés, mais j’ai quelques réserves sur sa forme.


  • Conseillé par (Libraire)
    20 octobre 2012

    Certaines n'avaient jamais vu la mer est un texte bouleversant et plein de grâce sur le déracinement. Un roman aux multiples voix émouvantes, d'une grande sobriété, poignant et à l'écriture lancinante le rendant comme envoûtant. Un vrai petit bijou exceptionnel !


  • Conseillé par
    8 octobre 2012

    Ce livre est petit mais très dense. Julie Otsuka a une manière très personnelle de raconter le parcours de ces femmes, arrivées aux États-Unis dans les années d'après la première guerre. Elle s'intéresse à elles jusqu'aux années de la guerre suivante, celle que leur pays d'adoption mène contre leur pays natal.
    Plutôt que de nous parler d'une seule héroïne qui serait un peu toutes ces femmes, l'auteure écrit sur toutes en même temps. Dans un même paragraphe, elle dit toutes les possibilités, reprenant ses débuts de phrases telle une litanie :
    "Sur le bateau nous étions presque toutes vierges. Nous avions de longs cheveux noirs, de larges pieds plats et nous n'étions pas très grandes.

    Certaines d'entre nous n'avaient mangé toute leur vie durant que du gruau de riz et leurs jambes étaient arquées, certaines n'avaient que quatorze ans et c'étaient encore des petites filles. Certaines venaient de la ville et portaient d'élégants vêtements, mais la plupart d'entre nous venaient de la campagne, et nous portions pour le voyage le même vieux kimono que nous avions toujours porté -hérité de nos soeurs, passé, rapiécé, et bien des fois reteint. Certaines descendaient des montagnes et n'avaient jamais vu la mer, sauf en image, certaines étaient filles de pêcheur et elles avaient toujours vécu sur le rivage." (p.11)
    Le procédé est répété durant tout le livre et ce qui pourrait lasser voire agacer produit le phénomène inverse : le rythme est là, évident, même lorsque les phrases sont longues, on a l'impression du contraire, de phrases très courtes, accolées qui pourraient être ces femmes obligées de vivre ensemble, malgré leurs différences sociales ou culturelles. Elles vivent la même douleur de la séparation, de l'angoisse, de la peur de l'inconnu, tant l'homme qu'elles vont épouser que le pays dans lequel elles vivront désormais. L'écriture de Julie Otsuka est comme une musique répétitive de Steve Reich, par exemple, ou plus connu, le Boléro de Maurice Ravel : on se demande pourquoi, ça nous plaît, mais on est fasciné et on en redemande.
    Le propos est la clef de voûte de ce roman. Il en est l'ossature, forte et puissante. Le style en est l'ornement poétique, direct, franc. Car Julie Otsuka ne cache rien de la vie des ces femmes : leur peur sur le bateau, leur arrivée au port, leur premier contact avec leurs maris, notamment sexuel, leur vie de labeur dure et sans repos, les enfants qui naissent américains, qui se détournent de leurs parents, le racisme au quotidien au moins aussi présent que le racisme anti-noirs : "Ils savaient quand ils étaient autorisés à aller nager à la piscine de la YMCA -Les lundis sont réservés aux gens de couleur- et quand ils pouvaient aller au cinéma Pantages Theater, en ville (jamais). Ils savaient qu'ils devaient toujours commencer par téléphoner au restaurant. Vous servez les Japonais ?" (p.87/88)
    J'ai pris ce roman comme un reportage écrit au milieu de ces femmes : une immersion totale dans leurs vies. L'auteure a su trouver des mots et un style étonnant, particulier et très personnel. Moi qui recherche dans mes lectures, mais aussi dans les musiques que j'écoute ou dans les films que je regarde, à être surpris voire dérouté, je dois avouer que je suis comblé. A plus d'un titre. D'abord cette écriture que j'aime beaucoup, et ensuite, ces histoires que Juie Otsuka raconte et que je ne connaissais pas vraiment : je n'avais qu'une vague idée de ce qu'avait été la vie des Japonais exilés aux États-Unis pendant les années 30 à 50.


  • Conseillé par
    16 septembre 2012

    Lisez ce livre !

    Ce livre est à l’image de son titre : magnifique !
    Certaines n’avaient jamais vu la mer...
    (le titre original est «The Buddha in the Attic»)

    C’est le deuxième livre de Julie Otsuka. Il vient d’obtenir le Pen/Faulkner Award for Fiction 2012.
    Julie Otsuka, née en 1962 en Californie, est diplômée en art et décide d’abandonner une carrière de peintre pour se consacrer à l’écriture.

    J’avais adoré son premier livre : «Quand l’empereur était un dieu» paru chez Phébus également.
    Il racontait l’après Pearl Harbor, quand les citoyens américains d’origine japonaise sont internés, parqués dans des camps en attendant la fin du conflit.

    Celui-là raconte l'avant Pearl Harbor.
    «Sur le bateau nous étions presque toutes vierges. Nous avions de longs cheveux noirs, de larges pieds plats et nous n’étions pas grandes...»
    Début du XXe siècle, des agents marient par correspondance des Nippones à des Américains. Elles quittent leur Japon natal pour fuir la misère. Les parents restés au Japon récupéreront l'argent de la dot...peut-être...
    «Toutefois, même les plus réticentes admettaient qu’il valait mieux épouser un inconnu en Amérique que de vieillir auprès d’un fermier du village.»

    Leurs maris qu’elles n’ont pas choisis les attendent au port de San Francisco.
    Après tout, ici, en Amérique, les hommes tiennent la porte aux femmes et soulèvent leurs chapeaux en disant : «Les dames d’abord.» ou bien «Après vous.»
    C’est l’histoire tragique d’une émigration.
    Alors Julie Otsuka va nous raconter ces femmes, toutes ces femmes...
    Ces femmes invisibles...en choeur.

    La traversée tragique en bateau, la première nuit avec ce mari inconnu, le premier enfant né, le racisme des blancs, enfin la déclaration de guerre au Japon et nous voilà revenus à son premier livre «Quand l’empereur était un dieu».

    Cette nouvelle main d’oeuvre féminine est très rentable (gratuite même parfois) pour les «bons» patrons blancs. Après tout un Japonais peut vivre avec une cuillerée de riz par jour, dit-on.
    Les «bons» patrons blancs leur apprennent même quelques mots d’anglais comme : «Un seau», «Une serpillière», «Un balai».
    Quand elles vont au cinéma elles ont leurs places réservées, tout en haut, au deuxième balcon, les plus mauvaises places de la salle...au «paradis des nègres».
    Quand elles vont au restaurant, elles savent qu’elles doivent toujours commencer par téléphoner : «Vous servez les Japonais ?»
    Il peut arriver que le «bon» patron blanc se nomme Charlie Chaplin...

    Ce roman s’inspire de témoignages d’immigrants japonais et se sert de nombreuses sources historiques pour s’écrire en mots légers, presque insouciants, mots retenus, presque poétiques, mots lancinants, mots prêts à vous envoûter pour mieux vous bouleverser.

    Magnifique vous dis-je !
    Une auteure à découvrir d’urgence sous peine de...sous peine de...sais pas moi, sous peine de passer à côté d’un bout de chemin de la littérature.

    Sortez des sentiers battus et rebattus par les grands roulements de tambours médiatiques.

    Cher lecteur, ne vous égarez pas, n’allez pas vous perdre et perdre votre temps dans les obscurs et prétentieux nombrils des écrivains nés une cuillère d’argent dans la bouche (faute d’une belle plume dans le...) qui accordent chaque automne leurs violons d’une torpeur uniforme.
    Mais qu’ont-ils à se vanter, chaque année, les artistes ?

    Achetez, empruntez ou volez ce livre !
    Parfois, elles reçoivent des lettres de leurs mères :
    «Je vois encore l’empreinte de tes pas dans la boue de la rivière.»
    Une phrase, rien qu’une phrase...


  • Conseillé par (Libraire)
    11 septembre 2012

    Que savons nous de la vie des émigrés Japonais aux Etats-Unis pendant les guerres mondiales ?
    Il faut que les jeunes japonaises aient cru très fort au rêve américain.
    Assez pour se marier avec un homme qui vit à l'autre bout du monde, un homme qu'elles ne connaissent que par quelques lettres et une photo, un homme déjà installé et fortuné...
    Julie Ostuka nous fait partager une histoire inédite : de leur traversée en bateau vers leur nouveau mari pendant l'entre deux guerres à leur déportation lors de l'entrée en guerre du Japon contre l'Amérique, en passant par leur relation maritale, leur rapport avec les américains, leurs enfants et leur travail.
    L'écriture à plusieurs voix permet de transmettre la pensée de cette population de manière poétique.