Que le spectacle commence !

Ann Featherstone

10-18

  • Un roman à deux voix réussi

    En ouvrant ce livre, j’étais bien loin d’imaginer ce que j’y trouverais. On peut comparer l’action qui s’y déroule à une chasse à l’homme. Le meurtrier est à la recherche des deux témoins l’ayant vu tuer la jeune Bessie. Il ne veut qu’une chose : les faire taire, bien entendu, et pour cela il les traque.

    Ce que j’ai le plus apprécié dans cette histoire, c’est l’alternance des points de vue. L’histoire est tour à tour contée par Corney Sage et par le criminel. Cette alternance est vraiment très entrainante, permet une meilleure compréhension de l’histoire et surtout donne un récit rythmé. Cependant, les parties racontées par Corney Sage sont plus laborieuses à lire car il « écrit » comme il parle – et malheureusement il n’est pas allé longtemps à l’école. Néanmoins, cela donne une bonne idée du personnage et on s’en rapproche plus facilement.


    Absolument rien n’est caché au lecteur puisqu’il est omniscient, ce qui donne lieu à des situations plus que stressantes lorsque les deux personnages sont en présence l’un de l’autre et que seul l’un des deux en est conscient … Le rythme cardiaque de la lectrice que je suis s’est alors beaucoup accéléré.

    Il n’y a que la fin qui ne m’a pas tout à fait satisfaite. Je l’ai trouvée vraiment très confuse, se passant trop vite. En outre, comme on voyait la scène se dérouler à travers les yeux de Corney, il était parfois nécessaire pour moi de relire une phrase ou un paragraphe pour être bien sûre de ce que je venais de lire. J’ai trouvé cela bien dommage car, de ce fait, je ne pouvais pas me concentrer totalement et exclusivement sur le dénouement de l’histoire - qui était déjà bien assez compliqué comme ça.

    Par contre, les personnages sont de vrais petits bijoux. Corney Sage est quelqu’un que l’on trouve immédiatement sympathique. C’est quelqu’un de simple, mais il est loin d’être idiot ce qui fait qu’il est très intéressant à suivre. Le meurtrier a son charme, à sa propre manière. De plus, il réserve bien des surprises aux lecteurs. On le suit, on arrive même à le comprendre– sans pour autant approuver ses actes. Le comble, c’est que j’en suis même arrivée à « oublier » son méfait et à avoir de la compassion pour ce criminel, vers le milieu du roman. J’ai toutefois très vite été rattrapée par l’atrocité qu’il a commise.

    Au final, je déplore quelques longueurs, surtout dues aux parties laborieuses mettant en scène Corney Sage, mais c’est un livre que je vous recommande. J’ai beaucoup aimé lire cette traque, voyant en alternance le point de vue de la proie et du chasseur. La pression ne cesse d’augmenter, et cela jusqu’à la dernière page.


  • Conseillé par
    28 février 2011

    Du grand art...

    Je n'ai jamais caché mon addiction pour la collection Grands Détectives aux éditions 10/18. Il est vrai que leurs romans sont en vente libre ...

    Je viens de terminer la lecture de "Que le spectacle commence" de Ann Featherstone et je suis encore éblouie par son talent de conteuse. Quand on aime, on n'est pas toujours très regardant sur la qualité. Je l'avoue (même pas besoin de me torturer pour cela ), tous les romans de cette collection n'ont pas l'éclat de ce petit joyau victorien. D'emblée, le lecteur est plongé dans l'univers du music-hall. Corney Sage, artiste de son état, chauffeur de salle au répertoire de blagues bien fourni, danseur en sabots, clown quand les circonstances l'imposent est notre guide dans ce monde du spectacle. Les gens de la haute viennent s'encanailler dans les cabarets interlopes des quartiers populaires de Londres et bien souvent les danseuses "assurent encore le service" quand leur numéro est fini... L'une d'entre elles, Bessie, est surprise par Corney dans l'arrière-cour du Constellation, le cabaret où tous deux travaillent. Elle et un jeune homme élégant semblent s'être isolés pour mener "leur affaire" tranquillement mais le ton monte et Corney conseille au gandin d'être plus tendre avec les demoiselles avant de rentrer dans la salle pour son deuxième passage sur scène. Plus tard dans la soirée, Bessy est retrouvée gisant dans son sang, atrocement défigurée. Notre clown prend peur car il a vu les traits du probable meurtrier et il n'est pas le seul témoin. Lucy, une autre artiste, a assisté au meurtre et s'inquiète pour sa sécurité. Le départ est assez classique, le décor est campé avec beaucoup détails réalistes et pittoresques. C'est la suite de l'histoire qui fait l'originalité de ce roman policier. Corney et Lucy vont tenter de comprendre qui est ce mystérieux assassin pour tenter de lui échapper.

    Ann Featherstone a inventé un meurtrier hors-norme, symptomatique de cette société victorienne où richesse et pauvreté, réalité et faux-semblants se côtoient au quotidien. Elle a su lui donner une voix, une présence, une puissance qui laissent le lecteur pantois. Le final de cet excellent roman justifie à lui que vous preniez le temps de le lire. Il est tout simplement éblouissant.