• Conseillé par
    23 juin 2020

    C'est totalement désargentée mais pleine de bonne volonté que Lizzie Martin arrive à Londres en cette année 1864. A 29 ans, célibataire et pauvre, elle n'a eu d'autre choix que d'accepter une place de dame de compagnie chez Mrs Parry, la veuve de son parrain; son père, médecin dans une ville minière du Derbyshire, ne lui ayant rien laissé à sa mort.
    La capitale anglaise est en pleine effervescence. Des taudis ont été rasés pour laisser place à l'immense chantier de la nouvelle gare de Saint-Pancrace. Et pour Lizzie, le choc est rude. Alors qu'elle se rend chez sa bienfaitrice, son fiacre croise la route du cadavre d'une femme qui vient d'âtre retrouvée dans les décombres. Quand il s'avère que la morte n'est autre que la fille qu'elle est venue remplacée auprès de sa tante Parry, Lizzie ne peut s'empêcher de s'intéresser à l'affaire. Comment est-il possible que Maddie Hexham, qui d'après tout le monde s'était enfuie avec un homme pour l'épouser, soit retrouvée assassinée dans un quartier mal famé ? Encouragée par l'inspecteur Ben Ross de Scotland Yard, Lizzie mène son enquête au sein de la maisonnée.

    Un polar historique délicieux qui met en scène pour la première fois la jeune Lizzie Martin, fraîchement débarquée de son Derbyshire natal et Ben Ross de la police de Londres. Ces deux-là ne sont pas des inconnus puisqu'ils sont originaires de la même ville et que le père de Lizzie a financé les études de Ben pour le sortir de l'enfer de la mine. Forts de ce lien ancien, ils vont unir leurs forces pour démasquer l'assassin de Maddie.
    Si cette première enquête est une réussite c'est d'abord grâce à la personnalité de Lizzie Martin. Elle n'a peut-être pas toutes les qualités que l'on pourrait espérer trouver chez une dame de compagnie mais elle est spontanée, futée, vive d'esprit et féministe avant l'heure. N'a-t-elle pas lu le si décrié Darwin et sa théorie des espèces quand une dame digne de ce nom ce tiendrait éloignée d'une telle hérésie ?
    L'époque victorienne est l'autre atout du roman. Ann Granger retranscrit à merveille cette période de l'histoire anglaise dans les descriptions de la ville et des mœurs de la bonne société. On s'y croirait !
    Une belle découverte qu'on prolongerait volontiers avec la suite des aventures de cette paire d'enquêteurs très sympathiques.


  • Conseillé par
    14 juillet 2013

    Une intrigue plutôt classique mais un livre qui vaut le détour

    L'intrigue policière est très classique. Il n'y a rien d'extraordinaire de ce côté là même si le suspense est bien mené, mais j'ai été totalement conquise par la plume de l'auteur délicieusement acérée et par les dialogues qui sont totalement savoureux. Elle dresse un tableau très noir de Londres, dénonce l'hypocrisie des plus riches et les faux-semblants. Les gentleman, ladies et hommes de foi en prennent pour leur grade !

    J'ai adoré tous les petits détails d'époque et la façon dont l'auteur nous transporte en plein XIXème siècle. La période qu'elle a choisi est fascinante. Nous sommes en pleine période de renouveau pour Londres. La gare St Pancras est en pleine construction. Tout le monde s'active dans les mines. On s'y croirait. On a l'impression d'entendre les sabots des chevaux, de sentir les odeurs qui se mêlent et d'être enseveli dans le brouillard londonien presque palpable. On a l'impression d'être isolé et prisonnier de ce monde vaporeux, humide et étouffant. Le temps semble suspendu, c'est comme s'il n'y avait plus ni jour ni nuit. Les gens restent calfeutrés chez eux, attendant vainement que le brouillard se lève. Il y a des scènes très réussies qui deviennent effrayantes tant l'atmosphère est troublante. Le roman est partagé entre deux univers opposés qui forment un beau tableau londonien du XIXème siècle : d'un côté les quartiers pauvres et malfamés avec leurs odeurs nauséabondes, les nombreux accidents sur les bords de la Tamise, les voleurs, les ivrognes et les prostituées et de l'autre, les gens aisés chez qui tea time et brandy sont de mise et qui sont souvent couverts d'un épais vernis d'hypocrisie. Tout le monde semble louche et suspect. C'est vraiment très bien ficelé.

    Ann Granger a déjà écrit plus d'une trentaine d'ouvrages qui a été traduit dans de nombreuses langues et ce roman est le premier traduit en français. Il était temps ! "Un intérêt particulier pour les morts" est le premier volet de sa série "Lizzie Martin" qui compte déjà quatre volumes en VO. Je suis vraiment impatiente de découvrir le suivant et de replonger dans cette noirceur victorienne.