Si le mot « secret » a la même racine que le mot « sécrétion » qui dénote la jouissance du corps, le secret n’est pas l’inconscient. Il n’est pourtant pas étranger à la pratique de la psychanalyse et il participe à l’histoire du mouvement psychanalytique.
Du latin secernere (séparer, trier), le secret renvoie à un savoir tenu en réserve, su (et non pas insu) et partagé par quelques-uns, initiés, autorisés ou habilités, à l’exclusion de quelques autres. Il porte en lui un pouvoir de ségrégation. Démentant a priori la division du savoir et de la vérité, le secret fait croire à une vérité identifiée à un savoir dissimulé. Il voisine avec l’idée d’un « sens caché » ou d’un « sens profond » (cf. la critique que Deleuze fait du terme de « profondeur » dans son ouvrage Logique du sens que Lacan conseille à son auditoire).
Cette idée n’est elle-même pas éloignée de l’occultisme ou de l’initiation, là où, pour la psychanalyse, qui n’est pas une « psychologie des profondeurs », le sens n’est qu’une surface, un voile au-delà duquel le sujet n’est jamais qu’une supposition. Si, dans son « Discours de Rome », Lacan n’hésitait toutefois pas à parler du « secret de la parole » pour désigner les résonances du champ de la parole et son caractère équivoque, ou qu’il qualifiera plus tard son aphorisme « il n’y a pas d’Autre de l’Autre » de « grand secret de la psychanalyse », il dénoncera toujours les principes de l’initiation qui s’exercent au sein même des modes de formation des analystes.
Car, curieusement, l’histoire de la psychanalyse montre que la dimension du secret fait retour lorsque se pose le problème du passage entre privé et public, entre psychanalyse en intension et psychanalyse en extension. Dans « L’agressivité en psychanalyse », Lacan remarquait que la voie de transmission de la psychanalyse était une « voie apparemment initiatique ». Apparemment, donc. Considérant que les conditions de la transmission de la doctrine freudienne dans l’IPA s’enracinaient « dans des formes initiatiques puissamment organisées » (« Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse », pp. 238-239), il voyait dans le « comité secret » constitué autour de Freud « le style intérieur » d’un praesidium (terme latin qui, dans l’armée romaine, désignait un détachement – renvoyant à l’étymologie du mot secret – militaire affecté à une mission de défense spécifique) qui anticipait les appareils politiques modernes comme le Komintern soviétique.
On peut alors se demander pourquoi le secret, et ses corrélats d’initiatisme, d’élitisme voire d’occultisme, participent à la psychanalyse depuis son invention jusqu’à nos jours, et comment le secret se pose ou se confond parfois avec la politique de la psychanalyse et ses conditions de transmission.
Peut-on, par exemple, parler de « secret professionnel » dans l’anonymisation d’un cas clinique communiqué ou publié ? S’agit-il vraiment du « secret des délibérations du jury » lorsque le cartel de passe se réunit pour décider d’une nomination ? Dans quelles conditions ce qu’un analysant garde secret en séance s’oppose-t-il à la tâche de l’association libre ou participe-t-il de la dialectique de la cure et du temps qu’il faut à l’éthique du bien dire ? A quel point les institutions analytiques ont-elles pu glisser paradoxalement vers une police se livrant à une véritable « mise au secret » de la psychanalyse et des psychanalystes (cf. le rapport Turquet et l’« excommunication » de Lacan) ? Dans quelles mesures le contexte social peut-il générer de la censure chez les analystes (cf. le silence de Lacan durant les années de guerre) ?
L’immixtion de la dimension du secret dans la psychanalyse et chez les psychanalystes est-elle finalement contingente ou, au contraire, déterminée par une nécessité structurale qui aurait affaire avec la logique du sens, l’identité entre la réalité religieuse et la réalité psychique, le mi-dire de la vérité qui dissimule autant qu’il révèle ?
Du latin secernere (séparer, trier), le secret renvoie à un savoir tenu en réserve, su (et non pas insu) et partagé par quelques-uns, initiés, autorisés ou habilités, à l’exclusion de quelques autres. Il porte en lui un pouvoir de ségrégation. Démentant a priori la division du savoir et de la vérité, le secret fait croire à une vérité identifiée à un savoir dissimulé. Il voisine avec l’idée d’un « sens caché » ou d’un « sens profond » (cf. la critique que Deleuze fait du terme de « profondeur » dans son ouvrage Logique du sens que Lacan conseille à son auditoire).
Cette idée n’est elle-même pas éloignée de l’occultisme ou de l’initiation, là où, pour la psychanalyse, qui n’est pas une « psychologie des profondeurs », le sens n’est qu’une surface, un voile au-delà duquel le sujet n’est jamais qu’une supposition. Si, dans son « Discours de Rome », Lacan n’hésitait toutefois pas à parler du « secret de la parole » pour désigner les résonances du champ de la parole et son caractère équivoque, ou qu’il qualifiera plus tard son aphorisme « il n’y a pas d’Autre de l’Autre » de « grand secret de la psychanalyse », il dénoncera toujours les principes de l’initiation qui s’exercent au sein même des modes de formation des analystes.
Car, curieusement, l’histoire de la psychanalyse montre que la dimension du secret fait retour lorsque se pose le problème du passage entre privé et public, entre psychanalyse en intension et psychanalyse en extension. Dans « L’agressivité en psychanalyse », Lacan remarquait que la voie de transmission de la psychanalyse était une « voie apparemment initiatique ». Apparemment, donc. Considérant que les conditions de la transmission de la doctrine freudienne dans l’IPA s’enracinaient « dans des formes initiatiques puissamment organisées » (« Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse », pp. 238-239), il voyait dans le « comité secret » constitué autour de Freud « le style intérieur » d’un praesidium (terme latin qui, dans l’armée romaine, désignait un détachement – renvoyant à l’étymologie du mot secret – militaire affecté à une mission de défense spécifique) qui anticipait les appareils politiques modernes comme le Komintern soviétique.
On peut alors se demander pourquoi le secret, et ses corrélats d’initiatisme, d’élitisme voire d’occultisme, participent à la psychanalyse depuis son invention jusqu’à nos jours, et comment le secret se pose ou se confond parfois avec la politique de la psychanalyse et ses conditions de transmission.
Peut-on, par exemple, parler de « secret professionnel » dans l’anonymisation d’un cas clinique communiqué ou publié ? S’agit-il vraiment du « secret des délibérations du jury » lorsque le cartel de passe se réunit pour décider d’une nomination ? Dans quelles conditions ce qu’un analysant garde secret en séance s’oppose-t-il à la tâche de l’association libre ou participe-t-il de la dialectique de la cure et du temps qu’il faut à l’éthique du bien dire ? A quel point les institutions analytiques ont-elles pu glisser paradoxalement vers une police se livrant à une véritable « mise au secret » de la psychanalyse et des psychanalystes (cf. le rapport Turquet et l’« excommunication » de Lacan) ? Dans quelles mesures le contexte social peut-il générer de la censure chez les analystes (cf. le silence de Lacan durant les années de guerre) ?
L’immixtion de la dimension du secret dans la psychanalyse et chez les psychanalystes est-elle finalement contingente ou, au contraire, déterminée par une nécessité structurale qui aurait affaire avec la logique du sens, l’identité entre la réalité religieuse et la réalité psychique, le mi-dire de la vérité qui dissimule autant qu’il révèle ?
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